mercredi 11 juillet 2012

Ce que nous avons vu lors de nos cours à l'IPT...

... et qui concerne, plus ou moins directement, cette campagne de fouilles à Azéka.

A propos de la recherche historique et archéologique en lien avec l'Ancien Testament et l'histoire d'Israël

"Alors que jusqu'à la moitié du vingtième siècle, il s'agissait de vérifier la validité de la Bible dans les recherches, notamment archéologiques, les postulats de départ sont aujourd'hui plus ouverts. Néanmoins, comme toute fouille est irréversible et détruit son environnement, une démarche de relecture des découvertes opérées sur un site présente d'importantes difficultés. Le caractère lucratif du sujet et ses enjeux théologiques, culturels, sociaux et même politiques tendent à faire croître le risque de falsification. Hormis l'archéologie, tout écrit (qu'il s'agisse de fragments de documents administratifs, de stèles funéraires, ou de lettres) constitue une source historique. Elles sont rares avant le neuvième siècle avant notre ère. Les travaux d'historiens grecs ou latins sont quant à eux de seconde main, et donc déjà affectés par plusieurs traitements. Quant à l’Ancien Testament lui-même, il contient nombre d’éléments qui le rendent particulièrement attractifs comme source fiable pour l’histoire d’Israël : généalogies, récits de règnes, événements-clés avec des dates charnières… La chronologie présente une cohérence, des récits mythologiques des origines jusqu’aux exploits des Maccabées. Mais la mise à l’écrit des différents livres est souvent survenue plusieurs siècles après les faits relatés. La volonté des rédacteurs n’est pas d’établir la véracité des récits, mais de transmettre des orientations théologiques, une entreprise qui correspondait aux nécessités des différentes époques de rédaction. Les historiens du peuple d’Israël dans l’Ancien Testament se positionnent donc entre deux attitudes extrêmes, la première considérant « vraie » ce qui concorde dans la Bible et dans les sources extra-bibliques fiables, la seconde donnant priorité et primauté au texte biblique, considéré comme vrai, sauf si les documents externes fiables les contredisent en mettant à jour des arguments diamétralement opposés.
Fiche de lecture de 1ère année de Licence, dans le cadre du cours Introduction à l'Ancien Testament de Corinne Lanoir
A partir de Macchi Jean-Daniel, "Histoire d'Israël, des origines à l'époque de la domination babylonienne", in Römer T., Macchi J.-D. et Nihan C. (éd.), Introduction à l'Ancien Testament, 2ème édition, Labor et Fides, Genève, 2009 
 

A propos de l'histoire d'Israël, depuis le roi David jusqu'à l'exil à Babylone

"Un deuxième temps dans l’âge du fer, au basculement des deuxième et premier millénaire, se caractérise par la diversification de l’agriculture. Les olives et le vin ne correspondent plus au modèle vivrier, mais sont destinés au commerce. C’est dans ce contexte que les sociétés se développent, les appareils étatiques se mettent en place. Les livres de Samuel et des Rois, dont la rédaction suit de peu les événements, donnent des éléments sur la constitution du royaume, tout en l’idéalisant fortement. Qu’un groupe se soit renforcé au point de tenir tête aux Philistins, qu’un chef de bande du sud soit en mesure de prendre le pouvoir à Hébron puis à Jérusalem semble assez vraisemblable. Les traces d’un royaume puissant ayant Jérusalem pour capitale semblaient attester le faste des règnes de David et de Salomon, au dixième siècle. Mais l’archéologie israélienne remet en cause cette thèse concordante avec la Bible en datant du neuvième siècle les constructions retrouvées ; Jérusalem au dixième siècle n’aurait été qu’une bourgade, en tous cas pas la capitale politique et administrative d’un empire !
(...)
A la fin du neuvième siècle, alors que la pression assyrienne augmente, Damas prend le pas sur Israël avant que ce dernier ne reprenne le contrôle de la Galilée et de la Transjordanie. L’Assyrie impose son joug, mais le commerce se poursuit, avec l’huile d’olive et l’élevage de chevaux. On remarque aussi l’importance de la divinité nationale Yahvé dans les cercles des élites de Samarie au huitième siècle. L’avènement de Tiglath-Pileser III en Assyrie se traduit par une plus grande agressivité et violence. Les vassaux Damas et Samarie, qui s’allient pour résister, sont écrasés par la puissance assyrienne, qui procède à des destructions et reconstruit avec le style assyrien. Quand Tiglath-Pileser III meurt, le roi Osée cherche à s’allier avec l’Egypte pour contrer l’Assyrie. Ce sera un échec, un nouveau siège et une nouvelle défaite pour Samarie, qui tombera en 722-720. Cette fois-ci, outre les destructions des structures autochtones et leur remplacement par des édifices par l’occupant, une partie de la population est déportée. Néanmoins, 80 à 90% des habitants restent ; certains se réfugient à Jérusalem, et le maintien des liens entre les exilés, les réfugiés, et ceux restés sur place permet de préserver une identité socio-religieuse israélite relativement homogène.
Au Sud, pendant l’âge du fer (troisième période, 720-539), malgré les accents très « judéens » de la Bible, le rôle du royaume est probablement assez discret jusqu’au neuvième siècle. Quand le royaume du Nord décline, son homologue du Sud se développe, sur les plans diplomatiques, politiques, mais surtout démographiques, avec la superficie de Jérusalem décuplée entre 735 et 698. C’est à ce moment que des ouvrages tels le tunnel de Siloé, la nécropole, ou encore les fortifications sont élaborés. L’Assyrie favorise le commerce et le développement de Juda, dont la loyauté est précieuse. La richesse provenant de la transformation des olives en huile se traduit par un développement économique et culturel ; les élites sont alphabétisées ; l’Etat, organisé, bénéficie des échanges grâce au contrôle des marchandises. 
Peu avant 700, Juda aura des velléités de rapprochement avec l’Egypte, voire d’indépendance. Le dirigeant assyrien Sennachérib (705-681) mènera des représailles, qui se traduisent là aussi par des déportations. Le royaume est dévasté, Ezekias ne règne plus que sur Jérusalem qui a échappé à la destruction ; son successeur Manassé reviendra au statut de vassal fidèle, réprimant toute opposition. Son règne long (698-642) traduit une stabilité retrouvée. Quand Josias accède au trône en 640, l’Assyrie n’est pas encore menacée par Babylone ; en 625, la pression de cette nouvelle puissance sera telle que les vassaux de l’Assyrie peuvent expérimenter une plus grande autonomie.
(...)
A la mort de Josias, Juda devient un royaume vassal de l’Egypte, alors que l’Assyrie est terrassée par Babylone. Les deux empires (Egypte et Babylone) sont au contact à Gaza en 601. Juda hésite… avant de se tourner vers l’Egypte. Ce sera le mauvais choix, sanctionné par un siège et une première déportation en 597 puis une seconde en 587 après la tentative du roi Sédécias de bâtir une alliance anti-babylonienne. Cette seconde déportation sera d’une grande violence, Jérusalem incendiée et le Temple détruit. D’autres sites, probablement moins hostiles à Babylone, sont préservés. La Judée devient alors une province babylonienne puis perse quand cet empire s’imposera en 539. Samarie reste le pôle central de la province, où subsiste la majorité de la population (seule une minorité a été déportée, évaluée à un maximum de 10 000 individus). Le culte yahviste persiste, une activité littéraire est attestée, que ce soit à Samarie ou à Babylone, car l’exil ne rend pas impossible l’application de pratiques sacerdotales telles le sabbat, la circoncision, ou le respect des fêtes comme la Pâque." 
Fiche de lecture de 1ère année de Licence, dans le cadre du cours Introduction à l'Ancien Testament de Corinne Lanoir
A partir de Macchi Jean-Daniel, "Histoire d'Israël, des origines à l'époque de la domination babylonienne", in Römer T., Macchi J.-D. et Nihan C. (éd.), Introduction à l'Ancien Testament, 2ème édition, Labor et Fides, Genève, 2009 

A propos de l'histoire d'Israël, de Babylone à Jésus Christ

"Malgré une moins grande distance entre les faits relatés et les époques de rédaction des textes bibliques concernant ces faits, le constat est évident : la tâche de l’historien soucieux de reconstituer l’histoire du peuple juif est des plus malaisées. L’Ancien Testament ne saurait constituer une source suffisamment homogène et cohérente pour dresser une chronologie même subjective des événements. Qu’il s’agisse du retour d’exil et de la reconstruction du temple de Jérusalem, ou de la mise en place d’un certain appareil étatique et religieux, les livres constituant l’Ancien Testament (dans les différentes acceptions canoniques) comportent de nombreuses données divergentes entre elles d’une part, et avec les autres supports historiques disponibles d’autre part.
L’époque perse (538 à 330 avant Jésus-Christ)
Selon plusieurs récits bibliques, le retour d’exil avec la reconstruction du temple de Jérusalem correspondrait à un certain développement de la Judée. Les sources externes indiquent qu’au contraire, la province judéenne sous domination perse au sixième siècle avant notre ère présentait des signes de déclin démographique, et ne permettent pas d’attester que ce territoire de dimensions très réduites (40 kilomètres sur 50 environ), sans accès côtier et sans richesses particulières ait connu la période de prospérité évoquée.
(...)
L’époque hellénistique (333 à 63 avant Jésus-Christ)
Après la victoire d’Alexandre le Grand à Issos en 333 avant Jésus-Christ, la Judée change de puissance dominante. En 312, la province est intégrée au royaume lagide d’Egypte, vassal de l’empire grec. Pendant près de trois siècles, un processus continu d’hellénisation de la Judée est à l’œuvre.
(...)
Parmi les opposants à l’hellénisme, l’unité n’est pas toujours acquise non plus ; l’accession de Jonathan Maccabée à la fonction de grand prêtre provoque une scission entre Asmonéens et piétistes (les futurs Esséniens). Dans ce contexte, la littérature juive se fait le reflet des préoccupations de la société. Le genre apocalyptique connaît un fort engouement ; combinant prophétisme, eschatologie, et rédemption des élus, il construit une mystique d’espoir auprès de persécutés.
Anti-hellénistes, les Asmonéens issus de la révolte maccabéenne vont progressivement mettre en place un nouvel Etat, alors que la puissance séleucide s’épuise dans des combats internes et avec l’Egypte lagide. Les troupes d’occupation quittent Jérusalem en 141, sous le pontife Simon, qui se fait proclamer grand prêtre, stratège et ethnarque, ces titres étant héréditaires. Le sentiment national se renforce, sans que le statut de la province ne le reflète. La dynastie asmonéenne profite de cette liberté de fait pour mener une politique expansionniste d’une part, et de judaïsation forcée d’autre part. La population reste mixte, mais une majorité judéenne se développe. Pour autant, l’imprégnation de la culture grecque se poursuit lentement. Illustration de ces deux mouvements : la monnaie frappée présente une face en grec, et l’autre en hébreu. La société est par ailleurs toujours traversée de tensions, entre une aristocratie adoptant des habitudes grecques, et un peuple écrasé par ces mêmes comportements. La littérature reprend ces thèmes ; les livres de Maccabées, de Judith et d’Esther exaltent des héros nationalistes, en opposition à un ensemble de dominants compromis dans leur imitation du monde grec.
L’époque romaine (à partir de 63 avant Jésus-Christ)
Le royaume séleucide ne peut pas résister à l’armée romaine conduite par Pompée ; la Judée passe sous la tutelle romaine en 63 avant Jésus-Christ ; le royaume asmonéen disparaît quant à lui en 41, quand Hérode est nommé roi d’un territoire qu’il ne maîtrise pas encore."
Fiche de lecture de 1ère année de Licence, dans le cadre du cours Introduction à l'Ancien Testament de Corinne Lanoir
A partir de Sérandour Arnaud, "Histoire du judaïsme aux époques perse, hellénistique et romaine. De Cyrus à Bar Kokhba", in Römer T., Macchi J.-D. et Nihan C. (éd.), Introduction à l'Ancien Testament, 2ème édition, Labor et Fides, Genève, 2009 

Zoom sur... l'Assyrie (Assur) et la Mésopotamie (Babylone)

"L'Assyrie est une oligarchie de commerçants. A partir du douzième siècle avant notre ère, et en particulier Tiglath-Pileser, les rois assyriens cherchent à étendre le territoire, sans que leurs conquêtes ne soient durables; les objectifs demeurent commerciaux. Le royaume d'Omri (Israël), soumis, se voit par exemple assujetti au paiement d'un tribut élevé. Au huitième siècle, Samarie refuse de payer le tribut et se voit assiégée puis défaite par l'armée assyrienne conduite par Shalmaneser V.
En 721, le roi assyrien Sargon II annexe Samarie et déporte la population; outre la dimension punitive du geste (qui concerne aussi d'autres peuples), le déplacement et le brassage des populations est recherchée par les dirigeants.
De 704 à 681, Sennachérib règnera sur Assur. Il fera notamment le siège de Lakish. A cette époque, l'Assyrie doit se battre sur plusieurs fronts: face à Babylone, face à certains groupes comme à Lakish, ou encore au sud face au roi d'Elam allié aux Phéniciens... En 690, Sennachérib fait le blocus de Babylone, qu'il noie après avoir détourné le cours de l'Euphrate; puis en 689, Jérusalem est assiégé."
Extrait du Séminaire itinérant Proche-Orient Ancien et milieux bibliques de Corinne Lanoir et Françoise Florentin-Smyth

Zoom sur... Lakish

Le site est localisé à une vingtaine de kilomètres au sud-ouest d'Azéka.
Une fresque sur le siège de Lakish est visible au British Museum.

"Les fouilles découvrent plusieurs "niveaux", avec à chaque niveau une époque, une population, des usages...
Niveau supérieur: Ville judéenne du 8ème siècle fortifiée, au moyen d'un double mur. Le mur extérieur comprend huit bastions ; le mur intérieur est quant à lui une particularité. Il protégeait les côtés les plus exposés. Un bastion plus à l’intérieur protégeait une autre porte. Lakish est alors une ville de garnison ; un quart de la superficie est occupé par ce qui a dû être une caserne, avec un palais et encore des fortifications. Essentiellement des soldats, des cavaliers, un gouverneur. On y trouve également des temples. A noter, Lakish ne dispose que d'un seul accès, une rampe fortifiée avec côté droit (armé) de l’arrivant toujours visible de la muraille. 
Plus tôt, à l'époque du Bronze, Lakish était centré autour d'un temple dit « du fossé ». Une pointe de flèche y a été retrouvée, elle porte la plus ancienne inscription à ce jour mentionnant « Israël » (en proto-cananéen)
Entre 1550 et 1200, la structure du temple évolue, passant par exemple de 2 à 4 piliers. L'entrée devient latérale et non de face, ce qui permet de ne pas voir ce qui se passe à l’intérieur. Des banquettes sont disposées: pour l'offrande, ou pour servir de bancs ? Le matériel retrouvé par les archéologues est égyptien, ce qui peut s'expliquer par la proximité géographique; des sceaux portent des hiéroglyphes avec les noms de Toutankamon, Akhénaton, ou mentionnant des activités commerciales avec Mycène.
Un niveau plus ancien est celui d'un temple cananéen, où les offrandes sont effectuées avec des unités de mesure égyptiennes. Des dessins proviennent de la culture mésopotamienne, avec des inscriptions en proto-cananéen."
Extrait du Séminaire itinérant Proche-Orient Ancien et milieux bibliques de Corinne Lanoir et Françoise Florentin-Smyth

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire